La Convention (n° 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952
Questions fréquentes
Quelle est la différence entre la sécurité sociale et la protection sociale?
- Dans le cadre de l’OIT, les notions de “sécurité sociale” et de “protection sociale” sont utilisées de manière interchangeable et couvrent toutes les mesures visant à fournir une sécurité de revenu et des soins de santé aux personnes qui en ont besoin. Généralement, cet objectif est atteint au moyen de systèmes de protection/sécurité sociale qui fournissent des prestations et des services garantissant une protection tout au long de la vie, en particulier en cas de maladie, d’invalidité, de maternité, d’accident du travail ou de maladie professionnelle, de chômage, de vieillesse, ou du décès d’un membre de la famille apportant un revenu, ou pour la prise en charge des enfants. Ces systèmes doivent reposer sur le principe de la solidarité sociale et, en tant que tels, devraient être financés collectivement par des mécanismes contributifs ou non contributifs (financés par l’impôt) ou par une combinaison des deux, pour parvenir à la mutualisation des risques, en d’autres termes par des régimes d’assurance sociale, d’assistance sociale ou de prestations universelles.
- Toutefois, dans certains contextes nationaux, le terme “sécurité sociale” est utilisé en tant que synonyme d’assurance sociale et renvoie à des mécanismes 1) financés par les cotisations des travailleurs et des employeurs avant la survenance de l’éventualité, 2) fondés sur les principes de la mutualisation des risques et de la solidarité, et 3) reposant sur la notion de garantie (pour ce qui est des prestations en espèces ou des services médicaux).
- Le terme “protection sociale” est parfois employé dans un sens plus étroit, qui englobe uniquement les mesures d’assistance sociale sous condition de ressources destinées aux populations les plus pauvres et vulnérables, ainsi que les mesures universelles; il peut néanmoins être compris dans un sens plus large, qui comprend d’autres mesures et services sociaux, liés par exemple à l’éducation, au logement, à l’eau ou à l’assainissement.
- L’OIT met l’accent sur la volonté commune nécessaire pour bâtir des systèmes assurant une protection sociale universelle, y compris des socles de protection sociale permettant “d’engager des actions et d’adopter des mesures visant à réaliser le droit humain à la sécurité sociale en mettant progressivement en place et en maintenant des systèmes de protection sociale adaptés au contexte national, afin de s’assurer que toute personne a accès à une protection complète, adéquate et durable tout au long de sa vie, conformément aux normes de l’OIT”.
La convention n° 102 tient-elle compte des régimes et des programmes sans fondement juridique?
- Un pays qui ratifie une convention internationale du travail s’engage à l’intégrer dans sa législation et ses pratiques nationales ainsi qu’à faire rapport sur son application à intervalles réguliers . La convention n° 102 exige expressément de tous les États qui l’ont ratifiée qu’ils fournissent “des renseignements complets sur la législation donnant effet aux dispositions de la convention” (article 76). A l’inverse, les régimes et les programmes qui ne reposent sur aucun fondement juridique ne peuvent pas être invoqués pour démontrer que le pays respecte les dispositions de la convention.
- La convention n° 102 laisse toutefois une grande marge de manoeuvre aux États pour statuer sur un certain nombre de questions dans le cadre de leur législation nationale. Par exemple, les États peuvent préciser par voie législative les modalités de suspension de la pension de vieillesse lorsque le bénéficiaire continue à travailler. De même, la législation nationale devrait indiquer à partir de quel degré d’invalidité permanente une personne a droit à une pension d’invalidité.
- Dans l’ensemble, il est important que les systèmes de protection sociale s’appuient sur des cadres juridiques robustes afin 1) de garantir que la protection sociale soit considérée comme un droit et non comme une action de charité, 2) d’assurer la stabilité des programmes et la mise en place de stratégies sur le long terme, 3) de contribuer à la prévisibilité et à la durabilité des systèmes, 4) de déterminer qui sont les détenteurs de droits et qui sont les garants de ces derniers, 5) de défendre les droits et de mettre en place des garanties contre une gouvernance arbitraire, 6) que l’État et les défenseurs publics (par exemple, un procureur) assurent une supervision plus efficace, et 7) d’offrir des garanties plus grandes d’un vaste dialogue social et public, ainsi que d’un processus et d’un financement appropriés.
La convention n° 102 s’applique-t-elle uniquement aux salariés?
- Contrairement à une idée répandue selon laquelle la convention n° 102 porterait uniquement sur la protection sociale des salariés, celle-ci reconnaît diverses façons d’assurer la protection sociale. À ce titre, elle définit des niveaux de protection minima pour les “salariés”, mais aussi pour les “personnes actives” et pour les « résidents dont les ressources pendant l’éventualité couverte n’excèdent pas certaines limites » ou dans certains cas spécifiques « tous les résidents ». En d’autres termes, la convention n° 102 prévoit des mécanismes qui offrent des prestations liées au salaire (c’est-à-dire des régimes d’assurance sociale), des prestations forfaitaires, des prestations soumises à conditions de ressources (c’est-à-dire des régimes d’assistance sociale). Dans le cas des soins médicaux, la convention n° 102 prévoit également des prestations basées sur la résidence (c’est-à-dire des régimes universels).
- La convention n° 102 laisse à chaque État partie la possibilité de déterminer lequel de ces trois mécanismes il invoquera pour démontrer qu’il respecte ses obligations concernant les éventualités qu’il a acceptées. En d’autres termes, un État qui dispose d’un régime d’assistance sociale prévoyant des prestations de maladie, de chômage et de vieillesse pour les personnes à faible revenu peut démontrer qu’il respecte la convention n° 102 avec ce mécanisme.
- . En outre, la convention établit des critères minimums à chacun de ces mécanismes, étant entendu que chaque pays peut dépasser ces niveaux minimums et fournir une protection plus importante, qu’il s’agisse des populations couvertes ou du niveau des prestations garanties par la législation nationale.
- En bref, la convention n° 102 ne concerne pas seulement la protection des salariés, mais aussi celle des travailleurs indépendants, des personnes à faible revenu et des résidents (dans le cas des soins médicaux).
Quelle est la différence entre les régimes contributifs et les régimes non contributifs?
Régimes contributifs
- Dans les régimes contributifs, les cotisations versées par les personnes couvertes (bénéficiaires réels ou potentiels) et leurs employeurs déterminent directement l’éligibilité aux prestations (droits acquis). Le régime d’assurance sociale est le type le plus courant de régime contributif de sécurité sociale. Contrairement à l’assurance commerciale, l’assurance sociale n’est pas à but lucratif et vise à garantir aux assurés un certain niveau de vie et l’accès à des soins médicaux en établissant des mécanismes de solidarité entre les personnes protégées par le régime.
- Dans le cadre de ces régimes, les prestations dépendent des revenus antérieurs de l’affilié et de la quantité de cotisations versées (c’est-à-dire de l’historique des cotisations). Un affilié doit généralement justifier d’un certain nombre de versements de cotisations pour pouvoir bénéficier d’une prestation lorsque l’éventualité survient. Il est courant que le montant de la prestation soit aussi fonction de l’historique des cotisations et des revenus antérieurs du bénéficiaire (par exemple, les pensions de vieillesse qui sont calculées à partir du salaire moyen de la carrière).
- Associée à d’autres mesures, l’intégration des travailleurs de l’économie informelle dans les mécanismes de sécurité sociale contributifs peut constituer un puissant moteur de transition vers l’économie formelle. Elle peut également permettre de renforcer le potentiel et la viabilité du système contributif en élargissant la mutualisation des risques. Cependant, bien que l’extension des mécanismes de sécurité sociale contributifs permet d’atténuer la pression sur les prestations financées par l’impôt, elle pourrait néanmoins nécessiter, au moins dans un premier temps, de couvrir tout ou une partie des cotisations ou du coût des prestations.
Régimes non contributifs (financés par l’impôt)
- Les régimes non contributifs (financés par l’impôt) recouvrent un large éventail de régimes, notamment les régimes universels pour tous les résidents (tels que les services nationaux de soins de santé), les régimes catégoriels en faveur de certains larges segments de la population (par exemple, les enfants en dessous d’un certain âge ou les personnes âgées au-dessus d’un certain âge) et les régimes soumis à conditions de ressources (comme l’assistance sociale). Les régimes non contributifs sont généralement financés par l’impôt ou d’autres recettes publiques (par exemple, les recettes à affectation déterminée) ou, parfois, par des subventions ou prêts externes. Quant au versement des prestations, il peut se faire en espèces ou en nature.
- Les régimes de prestations sous conditions de ressources jouent un rôle majeur dans la réduction de la pauvreté, sous réserve que les prestations, assorties d’autres mesures de soutien (par exemple, des politiques liées au logement, à l’éducation, à l’eau et à l’assainissement, aux transports publics, etc.), permettent d’atteindre les niveaux de revenu minimum fixés au niveau national afin d’assurer des niveaux de protection adéquats. Il peut s’agir du seuil de pauvreté reconnu ou de la valeur monétaire d’un ensemble de biens et de services indispensable.
- Les régimes non contributifs (financés par l’impôt) sont particulièrement importants pour les personnes non couvertes par les régimes contributifs (soit parce qu’elles travaillent dans l’économie informelle, soit parce qu’elles ne remplissent pas les conditions ouvrant droit à des prestations), car ils peuvent leur offrir une sécurité élémentaire de revenu et un accès aux soins de santé, et de ce fait, leur garantir des conditions de vie dignes.
- Les niveaux et la gamme des prestations de sécurité sociale assurés par les mécanismes de protection sociale non contributifs ne sont généralement pas liés au niveau des revenus dans le pays et sont donc souvent inférieurs à ceux dont bénéficient les travailleurs affiliés à une assurance sociale contributive (c’est surtout le cas des prestations visant à fournir une sécurité du revenu, mais la situation est différente pour la protection de la santé). Bien souvent, les niveaux de prestations sont insuffisants pour répondre aux besoins des personnes protégées. L’État devrait pour cette raison faire en sorte d’étendre l’accès à des prestations non contributives adéquates à toutes les personnes dans le besoin en mettant en place un socle de protection sociale défini au niveau national, afin de garantir que les personnes non couvertes par des mécanismes contributifs bénéficient au moins de la sécurité élémentaire du revenu et des soins essentiels. En parallèle, il devrait chercher à étendre la couverture des mécanismes contributifs, en particulier par le biais de politiques de formalisation, afin que davantage de personnes puissent progressivement bénéficier d’une meilleure protection.
La convention n° 102 s’applique-t-elle uniquement aux régimes d’assurance sociale?
- La convention n° 102 ne préconise pas de modèle unique de sécurité sociale. Elle permet à chaque État ayant ratifié la convention d’envisager la combinaison optimale de méthodes et d’approches en matière de financement et d’administration pour garantir la protection requise, pour autant qu’elle respecte les critères minimums et les principes énoncés dans la convention.
- Plus spécifiquement, la convention n° 102 considère que la protection sociale peut être réalisée grâce à l’utilisation de deux mécanismes de financement: les cotisations des travailleurs et des employeurs basées sur les salaires ou les revenus (c’est-à-dire les régimes d’assurance sociale) et les impôts (y compris les dispositions prévoyant par exemple des prestations universelles et les régimes d’assistance sociale) ou encore une combinaison des deux. Ainsi, l’application de la convention n° 102 ne se limite pas aux régimes d’assurance sociale.
- En réalité, la limite entre les régimes contributifs et les régimes non contributifs/financés par l’impôt est souvent floue. En effet, les régimes d’assurance sociale bénéficient également d’une partie des recettes générales, par exemple pour subventionner les cotisations des personnes à faible revenu ou pour couvrir les coûts associés aux prestations et à leur administration, soit ceux prévus dans la législation, ou de transferts ad hoc visant à couvrir d’éventuels déficits.
- L’expérience montre que les pays étant parvenus à mettre en place une couverture universelle ou quasi universelle ont pour la plupart employé une combinaison de différents mécanismes et sources de financement.
Les régimes d’assistance sociale ciblés permettent-ils de mettre en oeuvre la convention n° 102?
- Comme indiqué plus haut, la convention n° 102 reconnaît qu’il n’existe pas une seule façon de garantir et d’administrer la protection sociale. Elle permet donc aux États de montrer de quelle manière ils respectent les prescriptions de la convention dans le cadre des trois types principaux de mécanismes: régimes couvrant les salariés, régimes couvrant la population active et régimes sous conditions de ressources couvrant les résidents.
- Ainsi, les États qui assurent des prestations de maladie, de chômage, de vieillesse, d’aide à l’enfance et aux familles, et d’invalidité ou de survivants, dans le cadre de régimes couvrant tous les résidents dont les ressources, pendant l’éventualité, ne dépassent pas les limites prescrites par la loi (c’est-à-dire, des régimes d’assistance sociale sous conditions de ressources), peuvent les invoquer pour montrer qu’ils respectent les critères établis et les principes énoncés dans la convention n° 102.
- En d’autres termes, les régimes d’assistance sociale qui ciblent les personnes dont les ressources sont inférieures à un certain seuil fixé par la loi permettent d’appliquer la convention n° 102, lorsqu’ils sont inscrits dans la loi et qu’ils sont conformes aux dispositions de la convention n° 102 concernant la couverture, les conditions d’éligibilité, le niveau et la durée des prestations, ainsi qu’aux principes qui y sont énoncés.
Les régimes fondés sur la responsabilité de l’employeur et l’indemnisation des travailleurs permettent-ils de mettre en oeuvre la convention n° 102?
- Dans le cadre des systèmes de responsabilité directe des employeurs, l’indemnisation des travailleurs ou des membres survivants de leur famille est une responsabilité légale de l’employeur. Étant donné que la charge financière de cette obligation incombe uniquement aux employeurs, les normes de l’OIT relatives à la sécurité sociale ne tiennent pas compte de ces mécanismes, car ils ne sont pas compatibles avec le principe du financement collectif (prestations financées par des cotisations ou par l’impôt, ou par une combinaison des deux). Le financement collectif est un élément central de la sécurité sociale, car il permet de mutualiser les risques et d’assurer la solidarité entre travailleurs et employeurs.
- Les régimes fondés sur la responsabilité de l’employeur peuvent faire peser une charge excessive sur les employeurs, notamment pour les micro et petites unités économiques. Par exemple, une petite entreprise peut rencontrer des difficultés pour continuer à payer le salaire d’une femme pendant son congé de maternité alors qu’elle verse un salaire à son remplaçant. Cela peut induire une situation de non-conformité et rendre la protection largement inefficace (par exemple, en cas d’insolvabilité de l’employeur). Dans ces cas, le recours et le contrôle judiciaire est le seul moyen pour les travailleurs de réclamer une indemnisation, mais ces procédures peuvent être très longues et coûteuses. Les dispositifs d’assurance sociale constituent donc d’importants mécanismes de mutualisation des risques et de planification qui permet aux entreprises d’étaler les cotisations au congé de maternité et autres sur une période plus longue et de manière plus prévisible, ce qui est essentiel, en particulier pour les micro et petites unités économiques.
- En outre, les régimes fondés sur la responsabilité de l’employeur peuvent donner lieu à des pratiques discriminatoires. Par exemple, à l’encontre des femmes, car les employeurs peuvent être réticents à embaucher, maintenir dans l’emploi ou promouvoir des femmes en âge de procréer en raison des éventuels coûts liés au maintien du paiement du salaire (ou d’une partie de celui-ci) pendant le congé de maternité, ou à l’encontre des personnes atteintes de conditions médicales particulières, pour des raisons similaires concernant le paiement des prestations de maladie.
- En résumé, les mécanismes financés collectivement offrent une meilleure protection, contribuent à l’égalité de traitement et favorisent la solidarité et la mutualisation des risques, tout en étant conformes à la convention n° 102.
Les États peuvent-ils se contenter d’un système de protection sociale conforme aux normes minimales énoncées dans la convention n° 102?
- La convention n° 102 est la norme minimum en matière de sécurité sociale. En d’autres termes, un État partie est libre d’offrir une meilleure protection, pouvant dépasser les critères minimums définis dans la convention (par exemple, en améliorant la couverture de la population, en élevant les taux de remplacement ou en rallongeant la durée des prestations), mais sa législation et pratique nationales devraient, au minimum, garantir que les prestations satisfont à tout moment les critères établis.
- La Constitution de l’OIT dispose clairement que la ratification d’une convention ne doit pas être utilisée par les États Membres pour porter atteinte à un droit assurant aux travailleurs des conditions plus favorables que celles prévues par la convention (article 19, paragrahe 9).
Les régimes à cotisations définies permettent-ils de mettre en oeuvre la convention n° 102
Les normes de l’OIT en matière de sécurité sociale n’excluent a priori aucun type de système. Tant qu’un régime ou un programme de sécurité sociale assure une protection contre les risques sociaux selon des modalités conformes à la convention et respecte les principes qui y sont énoncés, il peut être considéré comme conforme à la convention.
Toutefois, dans la plupart des cas, les régimes à cotisations définies, également appelés les comptes d’épargne individuels, ne respectent pas les principes directeurs et les critères minimums ci-après:
- Principe de la garantie de prestations minimales et définies: Pour être conformes à la convention, les pensions de toute personne dont le revenu est égal ou inférieur à celui d’un ouvrier qualifié, tel que défini par la convention, doivent être versées périodiquement et correspondre à au moins 40 pour cent de ses revenus antérieurs. Dans la plupart des cas, les systèmes à cotisations définies n’offrent pas de garantie juridique quant au caractère adéquat et prévisible des prestations puisque le niveau des prestations est la résultante du fonctionnement du marché financier.
- Principe de l’ajustement périodique: Les pensions devraient permettre aux bénéficiaire de maintenir leur pouvoir d’achat au fil du temps moyennant des ajustements périodiques qui prennent en considération l’évolution du coût de la vie. En règle générale, les systèmes à cotisations définies n’offrent pas systématiquement de prestations sous forme d’annuités et, lorsqu’ils le font, ces prestations ne sont généralement pas indexées sur les prix. Dans le cadre des régimes à cotisations définies, les retraités supportent donc le risque d’inflation, alors que les régimes à prestations définies sont généralement indexés sur les prix ou les salaires.
- Principe des prestations accordées pendant toute la durée de l’éventualité: Les prestations devraient être versées pendant toute la durée de l’éventualité. Par exemple, les prestations de vieillesse doivent être accordées jusqu’au décès du bénéficiaire. Étant donné que, dans de nombreux régimes à cotisations définies, les prestations sont calculées sur la base du capital détenu par chaque assuré sur son compte d’épargne individuel, lorsque le capital accumulé sur ce compte est épuisé, le droit aux prestations peut cesser alors que le risque social persiste. Dans certains régimes de retraite en particulier, la législation nationale peut prévoir la possibilité pour un retraité d’acheter une rente viagère avec son épargne. Toutefois, dans la pratique, il se peut que le marché des rentes viagères soit faible ou inexistant, car l’offre de tels instruments financiers peut ne pas intéresser le secteur des assurances compte tenu du risque à long terme et de l’incertitude qui y sont liés (c’est-à-dire le risque que le bénéficiaire vive plus longtemps que prévu).
- Principe du financement collectif: Les normes de l’OIT relatives à la sécurité sociale reposent sur le principe de mutualisation des risques entre les membres de la communauté, et non sur le transfert des risques du marché vers les individus. Par conséquent, les prestations devraient être financées collectivement par des cotisations ou par l’impôt, ou par une combinaison des deux, tout en respectant la disposition selon laquelle le total des cotisations d’assurance à la charge des personnes protégées ne doit pas dépasser 50 pour cent du total des ressources affectées à la protection des salariés, de leurs conjoints et de leurs enfants. De façon générale, dans les régimes à cotisations définies, l’impact négatif des risques de placement sur les marchés financiers et des risques liés au marché du travail (comme les périodes de chômage ou de faible revenu) repose alors sur les personnes, avec pour conséquence un désengagement de l’État.
- Principe de la gestion participative: La sécurité sociale devrait être administrée conjointement ou en consultation avec les représentants des personnes protégées, en particulier lorsque l’administration n’est pas confiée à une institution réglementée par les pouvoirs publics ou par un service gouvernemental responsable devant le corps législatif. Dans plusieurs cas, les régimes à cotisations définies gérés par le secteur privé ne permettent pas aux affiliés de participer à la gestion du système.
En particulier, La Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) a fait observer que les régimes de pension fondés sur la capitalisation de l’épargne individuelle gérés par des fonds de pension privés ne permettaient pas de prendre en compte les principes de solidarité, de mutualisation des risques et de financement collectif, qui constituent l’essence même de la sécurité sociale, ni les principes d’une gestion transparente, responsable et démocratique des caisses de retraite, à laquelle participent les représentants des personnes assurés.
Les mécanismes d’assurance volontaire permettent-ils de mettre en oeuvre la convention n° 102?
- Le principe énoncé dans l’article 6 de la convention est celui de l’assurance obligatoire; toutefois, la protection fournie par les mécanismes d’assurance volontaire peut être envisagée pour les branches suivantes: soins médicaux, maladie, chômage, vieillesse, maternité (soins médicaux uniquement), invalidité et prestations en cas de perte du soutien économique de la famille, pour autant que les conditions suivantes soient remplies:
- Le régime d’assurance volontaire doit être supervisé par les autorités publiques ou administré par les partenaires sociaux, selon les règles établies dans la législation nationale.
- Le régime d’assurance volontaire couvre un nombre conséquent de personnes dont le salaire est égal ou inférieur à celui d’un ouvrier qualifié (tel que défini par la convention).
- Les critères et principes énoncés dans la convention sont respectés, y compris en ce qui concerne le niveau et la durée minimum de la prestation.
- Dans la pratique, la couverture volontaire entraîne une sélection adverse, un faible niveau de mutualisation des risques et des incitations inefficaces. De nombreux exemples montrent que la couverture volontaire conduit rarement à une véritable extension de la couverture effective.
Les niveaux définis dans la convention n° 102 et son champ d’application sont-ils adaptés à la situation des pays à revenu faible ou intermédiaire?
- La convention n° 102 ne définit pas un niveau de prestations à l’échelle internationale qui serait unique et applicable à tous les contextes nationaux. Elle reconnaît plutôt que les situations diffèrent selon les pays et que le niveau adéquat de prestations varie d’un pays à l’autre. Par conséquent, afin d’évaluer le niveau des prestations dans chaque pays et de déterminer si elles sont adéquates par rapport aux critères définis dans la convention n° 102, celle-ci prévoit un mécanisme visant à définir un salaire de référence pertinent dans le pays considéré. L’évaluation pourra ainsi tenir compte du contexte de chaque État.
- Compte tenu des difficultés liées à la mise en oeuvre d’un système de protection sociale complet, en particulier pour les pays à revenu faible ou intermédiaire, les États peuvent ratifier la convention même si leur système ne couvre pas encore l’ensemble des neuf risques sociaux. En effet, dans la mesure où leur système couvre trois risques sociaux et que l’un d’entre eux comprend le chômage, la vieillesse, les accidents du travail, l’invalidité ou les prestations de survivants, ils peuvent ratifier la convention et étendre leurs obligations au fur et à mesure que le système de protection sociale se développe.
- En outre, compte tenu du fait que dans certains pays, l’économie et les infrastructures médicales sont encore en cours de développement, la convention n° 102 contient des clauses de souplesse qui permettent aux pays, à titre exceptionnel et de façon temporaire, de démontrer qu’ils se conforment à des critères moins stricts. Cela rend la norme plus accessible aux pays à revenus faibles et intermédiaires étant donné i) que son application peut ne concerner que les entreprises du secteur industriel, et non tous les secteurs économiques, et ii) que son champ d’application peut se limiter aux grandes entreprises, ce qui correspond au développement de la sécurité sociale dans de nombreux pays.
- Dans le même ordre d’idées, les pays à revenu faible ou intermédiaire pourraient appliquer temporairement la convention n° 102 en instaurant un forfait médical réduit pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, ou en réduisant la durée du versement des prestations, par exemple pour les prestations de maladie.
La convention n° 102 est la convention phare qui définit les normes minimales relatives à la sécurité sociale, mais existe-t-il d’autres normes internationales pertinentes en matière de sécurité sociale?
Sur le modèle de la convention n° 102, les membres tripartites de l’OIT ont par la suite adopté les cinq conventions suivantes, chacune accompagnée d’une recommandation, qui établissent des normes de protection plus élevées, en termes de populations couvertes et de niveau de prestations, concernant huit des neuf éventualités visées dans la convention n° 102:
- La convention (n° 121) sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964, et la recommandation n° 121 qui l’accompagne
- La convention (n° 128) concernant les prestations d’invalidité, de vieillesse et de survivants, 1967, et la recommandation n° 131 qui l’accompagne
- La convention (n° 130) concernant les soins médicaux et les indemnités de maladie, 1969, et la recommandation n° 134 qui l’accompagne
- La convention (n° 168) sur la promotion de l’emploi et la protection contre le chômage, 1988, et la recommandation n° 176 qui l’accompagne
- La convention (n° 183) sur la protection de la maternité, 2000, et la recommandation n° 191 qui l’accompagne
- En outre, la convention (n° 118) sur l’égalité de traitement (sécurité sociale), 1962, et la convention (n° 157) sur la conservation des droits en matière de sécurité sociale, 1982, ainsi que la recommandation n° 167 qui l’accompagne, guident les pays dans la mise en oeuvre du droit à la sécurité sociale pour les migrants et leurs familles.
- D’autres conventions et recommandations, telles que la convention (n° 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, la recommandation sur la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, 2015 (n° 204), ou encore la recommandation sur l’emploi et le travail décent pour la paix et la résilience, 2017 (n° 205), contiennent également des références pertinentes en matière de sécurité sociale.
En quoi consiste la recommandation (n° 202) sur les socles de protection sociale, 2012, et comment peut-elle contribuer à étendre la protection sociale?
- La recommandation (n° 202) sur les socles de protection sociale, 2012, instrument le plus récent à avoir été ajouté au corpus des normes internationales relatives à la sécurité sociale, présente une approche stratégique des moyens permettant de réaliser la protection sociale universelle et tient compte des multiples lacunes et difficultés en termes de couverture, d’adéquation et de portée de la protection ainsi que de la notion de viabilité financière. Loin de remplacer la convention n° 102 et les normes plus élevées qui ont été adoptées par la suite, elle les intègre dans son approche stratégique en faveur d’une protection sociale universelle.
- Cette norme établit une stratégie bidimensionnelle visant à combler les lacunes en matière de couverture pour atteindre une couverture universelle, selon laquelle les États devraient 1) fournir au moins des niveaux élémentaires de protection à toute personne qui en aurait besoin en mettant en oeuvre, de façon prioritaire, un socle de protection sociale défini au niveau national, et 2) assurer progressivement, pour le plus grand nombre de personnes possible, des niveaux de protection plus élevés, en s’inspirant de la convention n° 102 et des normes internationales de sécurité sociale plus élevées.
- La recommandation n° 202 fournit également des orientations sur la conception et la mise en oeuvre de politiques et de stratégies nationales d’extension de la sécurité sociale en tant que moyen principal d’atteindre l’objectif de la protection sociale universelle, conformément à la stratégie bidimensionnelle énoncée. L’adoption de ce type de politiques permet de relever le degré de priorité que les gouvernements accordent aux politiques de la protection sociale, pour le placer au même niveau que d’autres politiques publiques majeures, comme les politiques de l’emploi. Elles contribuent également à assurer la coordination, la cohérence et les synergies avec d’autres politiques, en particulier les politiques économiques, fiscales et de l’emploi.
Socles de protection sociale (partie II de la recommandation n° 202)
- Selon la recommandation n° 202, les socles de protection sociale sont des ensembles de garanties élémentaires de sécurité sociale définis à l’échelle nationale qui assurent une protection visant à prévenir ou à réduire la pauvreté, la vulnérabilité et l’exclusion sociale. Au minimum, l’État devrait prévoir les quatre garanties suivantes: 1) l’accès à des soins de santé essentiels tout au long du cycle de vie; 2) une sécurité élémentaire de revenu pour les enfants, assurant accès à l’alimentation, à l’éducation, aux soins et à tous autres biens et services nécessaires; 3) une sécurité élémentaire de revenu pour les personnes d’âge actif qui sont dans l’incapacité de gagner un revenu suffisant, en particulier dans les cas de maladie, de chômage, de maternité et d’invalidité; et 4) une sécurité élémentaire de revenu pour les personnes âgées.
- Les États Membres peuvent concevoir leurs socles de protection sociale et les garanties élémentaires de sécurité sociale qui les composent en utilisant la combinaison la plus efficace et la plus efficiente de régimes et de prestations, en espèces ou en nature, tout en tenant compte du contexte national.
Stratégies nationales d’extension de la sécurité sociale (partie III de la recommandation n° 202)
- L’adoption et la mise en oeuvre d’une politique nationale de protection sociale est, selon la recommandation n° 202, le meilleur moyen de construire et de maintenir un système de protection sociale universelle. Les processus d’élaboration et de mise en oeuvre des politiques, fondés sur une participation tripartite avec les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs, ainsi que sur la consultation d’autres organisations pertinentes et représentatives des personnes concernées, sont des moteurs essentiels pour recenser les lacunes en matière de couverture, l’intégralité du système et le caractère adéquat de la protection, pour établir des objectifs immédiats et à plus long terme, et pour prendre des mesures en vue de réduire la fragmentation et d’améliorer la coordination entre les différentes composantes des systèmes nationaux de protection sociale. Ces stratégies permettent également d’accroître l’appropriation nationale et de faciliter l’adoption des normes (en particulier lorsqu’elles sont mises en place dans le cadre d’une approche participative avec les partenaires sociaux), et contribuent à faire intervenir des acteurs cruciaux, y compris les ministères des finances. Cet aspect revêt une importance particulière, car il peut par exemple contribuer à améliorer la viabilité financière, budgétaire et économique, notamment en garantissant que les fonds nécessaires sont dûment affectés et programmés.
- La recommandation n° 202 définit clairement une approche séquentielle pour la formulation et la mise en oeuvre de stratégies nationales d’extension de la sécurité sociale, qui comprend les étapes suivantes: 1) fixer des objectifs reflétant les priorités nationales, 2) identifier les lacunes et les obstacles en matière de protection, 3) chercher des solutions pour combler les lacunes en matière de protection, 4) compléter le système de sécurité sociale par des politiques actives du marché du travail, y compris par la formation professionnelle, 5) préciser les besoins financiers et les ressources, et 6) mieux faire connaître les socles de protection sociale et les stratégies d’extension par le biais de programmes d’information.
Suivi des progrès (partie IV de la recommandation n° 202)
- Les systèmes de protection sociale doivent comporter des mécanismes de contrôle institutionnalisés propres à suivre les résultats des régimes et des programmes et à orienter leur amélioration si nécessaire. Cela comprend un suivi régulier de la mise en oeuvre et une évaluation périodique, notamment au moyen de la collecte, la compilation et l’analyse des données relatives à la sécurité sociale. Ce suivi est plus efficace lorsqu’il est assuré par des organismes institutionnels chargés de cette fonction, avec la participation des partenaires sociaux, qu’il est encadré par une politique nationale de protection sociale et qu’un calendrier définit sa mise en oeuvre.
- La collecte et l’analyse de données complètes sont fondamentales en ce qu’elles permettent l’élaboration de politiques et de lois éclairées et fondées sur des preuves, ainsi que leur mise en oeuvre effective; elles comprennent également la mise à disposition de données sur les cotisants et les bénéficiaires ventilées par sexe, par tranche d’âge et par lieu de résidence (en zone rurale ou urbaine), et de données sur les dépenses, ventilées par fonction et par type de dépenses.
Questions fréquentes
Consultez les questions les plus fréquemment posées ci-dessous.
Contactez-nous si vous avez encore des questions!
Quelle est la différence entre la sécurité sociale et la protection sociale?
La convention n° 102 tient-elle compte des régimes et des programmes sans fondement juridique?
La convention n° 102 s’applique-t-elle uniquement aux salariés?
Quelle est la différence entre les régimes contributifs et les régimes non contributifs?
La convention n° 102 s’applique-t-elle uniquement aux régimes d’assurance sociale?
Les régimes d’assistance sociale ciblés permettent-ils de mettre en oeuvre la convention n° 102?
Les régimes fondés sur la responsabilité de l’employeur et l’indemnisation des travailleurs permettent-ils de mettre en oeuvre la convention n° 102?
Les États peuvent-ils se contenter d’un système de protection sociale conforme aux normes minimales énoncées dans la convention n° 102?
Les régimes à cotisations définies permettent-ils de mettre en oeuvre la convention n° 102
Les mécanismes d’assurance volontaire permettent-ils de mettre en oeuvre la convention n° 102?
Les niveaux définis dans la convention n° 102 et son champ d’application sont-ils adaptés à la situation des pays à revenu faible ou intermédiaire?
La convention n° 102 est la convention phare qui définit les normes minimales relatives à la sécurité sociale, mais existe-t-il d’autres normes internationales pertinentes en matière de sécurité sociale?
En quoi consiste la recommandation (n° 202) sur les socles de protection sociale, 2012, et comment peut-elle contribuer à étendre la protection sociale?